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RAÄVENA
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Des sanglots résonnaient alors que l'on était entassés comme des rats dans un habitacle en bois sombre bien trop restreint. Ça faisait belle lurette que je ne pleurais plus, les larmes ne changeaient jamais rien, au contraire, chez certains cela n'avait pour effet que d'attiser la violence. Je glissai un coup d'œil en direction d'une congénère à la longue chevelure raide et marron rendue terne par le manque de soin et la malnutrition. Il n'était pas difficile de deviner qu'elle était jeune, son attitude la trahissait. Ceux qui, comme moi, avaient connu l'esclavage pendant longtemps n'espéraient plus, on attendait juste que l'un de nos propriétaires daigne finalement vouloir mettre un terme à notre vie. Je n'avais pas encore eu cette chance, enfin j'étais indécise là-dessus, je devais l'admettre.
Mourir en étant abattu comme un chien n'avait rien d'attrayant, mais cela marquerait la fin de cette vie misérable. Un discret soupir se faufila entre les lèvres tandis que je basculais la tête vers l'arrière, mon crâne se posant contre la surface dure contre laquelle j'étais installée depuis notre départ, voilà maintenant près d'une semaine. Loin de l'amas de corps étouffant du centre. Alors que je me laissais petit à petit glisser vers les limbes du sommeil, un arrêt abrupt m'arracha à ma somnolence, provoquant de la même façon du mouvement parmi les autres esclaves présents. Nous gardâmes le silence, tendant l'oreille dans l'espoir de percevoir un quelconque bruit qui pourrait nous indiquer la cause de ce brusque arrêt.
Le faible son de deux voix en train de discuter se fit entendre, je n'eus aucun mal à reconnaitre celle de notre marchand, mais la seconde était féminine, plutôt étrange. Mais avant que je n'aie pu pousser la réflexion plus loin, la porte de l'habitacle fut tout à coup ouverte, nous inondant alors de clarté du soleil. La plupart feulèrent face à cette soudaine agression qui leur brûla la peau. Pour ma part, je dressai, d'un geste rapide, mon bras crasseux devant moi pour protéger mes yeux de la lumière extérieure.
— Et voilà ce que nous avons en matière de vampires, madame, minauda le marchand en les désignant de la main.
— Hum, lesquels résistent pleinement au soleil ?
Battant un peu des paupières pour clarifier ma vision, je pus détailler cette femme. À la vue de ses longs cheveux blonds coiffés à la perfection et des dorures qui courraient sur son épiderme à divers endroits, je n'éprouvai aucune difficulté à savoir de quel genre de créature il s'agissait : un elfe. Ce n'était pas la première fois que j'en voyais, j'avais eu plusieurs maîtres qui étaient des elfes, ce qui me fit sans mal comprendre que la prochaine étape ne serait pas une partie de plaisir. On me saisit fortement par le poignet pour me tirer hors de la carriole, d'autres ne tardèrent pas à la suivre, la jeune vampire qui sanglotait subit le même traitement. Nous fûmes alignés rigoureusement, trois mâles et deux femelles — dont je faisais partie. L'elfe blonde marcha en face de nous, nous scrutant en détail de ses iris noisette, ne se privant pas pour nous toucher dans le but de nous inspecter de manière plus poussée.
Nous nous montrâmes dociles tout ce temps. Un quelconque signe d'animosité n'apportait que des corrections sévères et il était préférable d'éviter des blessures en étant mal nourri, cela prenait des jours à guérir. Et en tant qu'esclave on ne vous accordait pas le luxe de vous remettre.
— Je vous les prends, déclara finalement la beauté blonde.
— Vous m'en voyez ravi ! C'est toujours un plaisir de faire affaire avec les elfes !
Un rire gras échappa à l'homme bedonnant, cela fut particulièrement désagréable à mes oreilles et j'eus, l'espace d'un instant, l'envie de lui tordre le cou. Mais je chassai bien vite cette idée au fin fond de mon esprit alors que je suivis des yeux la bourse remplie de pièces que notre nouvelle propriétaire lança au marchand d'esclaves. J'étais, par avance, lasse de devoir à nouveau servir ces créatures aux oreilles pointues. D'autres ne tardèrent pas à arriver dans des armures, à la teinte argentée, rutilantes sous les rayons du soleil. Nous nous retrouvâmes entourés avant d'être poussés, pour nous mettre en marche, sans précaution, signe qu'il nous fallait ne pas traîner. Ce que nous fîmes tous, même si je ne pus m'empêcher de jeter un coup d'œil vers le convoi qui s'apprêtait déjà à reprendre la route. Combien de ces vampires allaient mourir ? Beaucoup, c'était certain, mais c'était ce qu'il y avait de mieux pour eux.
Nous marchâmes à travers les bois, j'avalai une grande gorgée d'air, me gavant de l'odeur du vent frais, du parfum des plantes et de la terre. Un véritable délice, après avoir passé une semaine entourée par un mélange écœurant provoqué par l'amas des effluves de mes congénères. Mais la moiteur me collait toujours à la peau, je détestais ça, me sentir poisseuse, je payerai cher pour pouvoir prendre un bain. Avec un peu de chance, nous y aurions droit. Les elfes n'aimaient généralement pas ce qui était sale et cela valait même pour les esclaves comme nous. J'observai la longue chevelure ondulée de l'elfe, en tête d'escorte, se balancer tranquillement au gré de ses pas. C'était sans aucun doute une noble dame, sa droiture et sa manière de se mouvoir dans ses beaux vêtements en soie pastel le laissaient penser en tout les cas.
Des petits rires espiègles se nous parvinrent, apporté par la brise, ce qui détourna les deux océans de sang qui composaient mon regard de la femme devant nous. Entre les troncs épais des arbres, je pus distinguer de minuscules silhouettes qui se déplaçaient prestement, très certainement des fées rendues curieuses par notre présence. La vue de ces modestes créatures aux ailes pailletées me conduisit à ralentir le pas au point où je m'en retrouvai presque à l'arrêt. Mais cette perte de rythme me coûta un coup dans le dos, la surprise de cette agression soudaine me projeta sur le sol avec un petit son de douleur. Cet incident attira l'attention du reste du groupe, l'un des mâles vampires voulut m'aider à me remettre sur mes pieds, cela lui valut, à son tour, un coup au visage qui le fit tituber. Le malheureux n'évita la chute que grâce à un arbre proche.
— Il ne me semble pas t'avoir autorisé à intervenir ! cracha l'un des elfes en armure avec froideur. Elle peut très bien se relever toute seule si elle a le temps de traîner !
Bien entendu, aucune réponse n'était attendue à la suite de ces mots et il n'y en eut pas. Je me remis sur mes pieds, la tête légèrement baissée, en signe de soumission. Il était préférable de faire profil bas, je recommençai à avancer pour ne pas créer plus de contrariété chez ces créatures aux oreilles pointues. Mes congénères m'imitèrent, encore qu'aucun d'eux n'eut l'audace de dépasser la femme en tête de notre petit cortège. Nous n'avions de toute façon aucune idée de l'endroit où nous nous rendions à ce moment-là. Au fil de nos pas, de l'agitation se fit entendre un peu plus loin, beaucoup de voix, des chevaux aussi, signe d'un camp établi tout proche. La vision qui s'offrit bientôt à nous me donna bien vite raison : c'était un bivouac d'elfes. Il y avait des soldats, drapés dans la même armure que ceux qui nous escortaient, mais surtout des nobles. Les étoffes de valeur qui les habillaient n'étaient pas celles destinées au petit peuple.
De jeunes elfes jouaient entre les tentes dressées, pendant que d'autres, un peu plus âgés, semblaient étudier à l'ombre des arbres. Je ne pus m'empêcher de me questionner sur le pourquoi du comment d'un tel rassemblement en ces lieux. Ces elfes n'étaient-ils pas censés se trouver dans la cité elfique principale, Anhaë ?
— Nourrissez ces créatures avant qu'elles ne se lavent, enjoignit la meneuse.
— Bien, madame !
La noble dame nous adressa un regard teinté de dégoût tandis qu'elle s'éloignait. Nous fûmes saisis et traînés jusqu'à des cages rouillées — presque trop petites pour nous les femmes, alors les hommes devaient être très mal installés — à l'intérieur desquelles nous fûmes jetés sans ménagement. On nous affubla d'un collier tenu par une courte chaîne, dans le but de limiter nos mouvements, avant de nous enfermer.
— À genoux !
Nous nous exécutâmes tous et une fois en place, un soldat passa avec un seau rempli de sang dans lequel il plongea une grande louche qu'il nous tendit à travers les barreaux. Rien qu'à l'odeur, je sus qu'il s'agissait de sang animal. Personne ne nous donnait jamais du sang humain ou même d'une quelconque créature humanoïde. Le sang des animaux n'était pas assez nourrissant, mais quand on était affamé, c'était mieux que rien. Je me délectais donc de ma ration jusqu'à la plus petite goutte, j'en rêvais depuis des jours. Je ne me souvenais pas à quand remontait mon dernier repas. Un mois peut-être ? La louche me fut vivement retirée lorsque j'en eus terminé et l'elfe s'occupa du suivant sans m'accorder le moindre regard. Je passai ma langue sur mes lèvres pour récolter le peu de sang qui s'y trouvait encore, il ne fallait rien gâcher, on ne savait pas quand on serait à nouveau alimentés.
Lorsque le nourrissage fut achevé, on nous sortit de nos cages avant de nous conduire près de la rivière.
— Déshabillez-vous et lavez-vous, vous empestez.
— Mais... ! commença la jeune vampire aux cheveux marron.
Je la fis vite taire en lui saisissant le poignet avec force, ce qui m'attira un regard perdu de la part de ma petite semblable. J'ignorai les deux yeux orangés braqués sur moi, il fallait qu'elle s'écrase et qu'elle obéisse. Oui, il était dégradant de se dévoiler à la vue de tous et de devoir se laver juste sous leur nez. Mais c'était exactement ce qu'ils voulaient : nous humilier. Relâchant la plus jeune, je me délestai des haillons crasseux qui me servaient de vêtements, bientôt mimée par mes paires masculins qui n'étaient pas plus embarrassés que je ne l'étais. Ma jeune homologue fut bien obligée de le faire à son tour, recouvrant au maximum sa nudité à l'aide de mes bras frêles. Tout le contraire de moi qui entrai dans l'eau sans même se soucier des regards braqués sur nous. Je frissonnai légèrement à cause de la basse température de la rivière, bien que les vampires supportent mieux les faibles chaleurs que nombre d'autres espèces.
Chacun commença à retirer la crasse qui nappait son corps, redécouvrant la pâleur naturelle de notre peau qui avait été dissimulée par l'accumulation de saleté. Du coin de l'œil, je vis un des soldats lever la main pour jeter quelque chose dans ma direction. J'évitai le projectile en me plaçant à genou dans l'eau comme si cela n'était pas voulu. Je grimaçai discrètement à cause des cailloux tapissant le fond du cours d'eau qui s'enfoncèrent dans la chair de manière peu agréable. Puis je tournai la tête et vis qu'il s'agissait d'un tissu mouillé qui m'avait été envoyé, je le récupérai et me mit à frotter mon épiderme avec. Le soldat jura contre ma personne, mais ne chercha pas à aller plus loin, ma ruse ayant fonctionné. Les autres, en revanche, n'échappèrent pas au projectile humide qui claqua contre leur peau trempée. Bien vite, nous reçûmes également de vieux bouts de savon, ça aussi, c'était mieux que rien. On ne sentirait plus le bouc. Je me lavai les cheveux après avoir fini de me décrasser comme il se devait, cela me fit un bien fou. J'avais finalement été exaucée pour le bain.
Par Esris, merci.
Je passai ensuite ma main sur les tatouages qui maculaient ma peau, des lignes droites et des arabesques sombres qui décoraient mes membres et diverses parties de son corps depuis ma venue au monde. Je me redressai lentement, exposant ma silhouette dégoulinante aux regards qui nous observaient sans cesse tandis que je sortais de la rivière. Le soldat qui se tenait là, fier et droit, laissa traîner ses yeux clairs sur moi sans la moindre pudeur avant de m'envoyer un accoutrement propre.
— Dépêche-toi de te rhabiller, m'ordonna-t-il.
Je passai le vêtement, une robe blanche, un peu cintrée à la taille, on ne peut plus simple, mais c'était toujours bien mieux que les guenilles que je portais auparavant. Le tissu était doux contre ma peau, ce n'était pas de la soie, mais on était loin de l'effet toile de jute de ma précédente tenue. Je secouai ma longue chevelure humide et m'écartai pour attendre les autres. On nous communiquerait probablement les règles à suivre par la suite et aussi les corvées qui nous pendaient aux nez. C'était généralement toujours par cela que ça commençait, il n'y avait plus aucune surprise dans nos vies d'esclave.
— Ils arrivent ! s'écria quelqu'un sur le camp.
Ma curiosité fut piquée alors que le bruit des sabots de chevaux martelant le sol au galop résonna au loin. Bientôt, un petit groupe d'une dizaine de personnes fit son apparition au milieu des gens et des tentes. Le meneur montait un étalon noir comme la nuit et il dégageait une prestance ainsi qu'une autorité naturelle qui me donnèrent la chair de poule et des papillons dans le ventre. Et alors que j'allais détourner la tête, je tombai dans deux lacs azurés.
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Et voilà pour ce premier chapitre ! J'espère qu'il vous aura plus !
Si c'est le cas, n'oubliez pas de me laisser vos impressions, cela m'aidera à progresser pour vous offrir des chapitres de meilleure qualité !
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